|
Michael Mantler „Concertos”
(Disque d'émois)
Bien que
ses sources d'inspiration soient plurielles (jazz, improvisation libre,
musique écrite de tradition savante, rock), la musique de Michael
Mantler n'en demeure pourtant pas moins singulière. Aussi, ses
uvres, parfaitement cohérentes sur le plan stylistique, se
révèlent-elles pourtant très diverses dans leur approche,
ce qui est la marque des grands. Le plus frappant reste bien sûr
cette fusion entre l'écriture et l'improvisation (cf. les partitions
consultables sur le site du musicien !). À l'audition, on ne parvient
pas précisément à savoir ce que le soliste improvise
ou non. Tout l'art réside justement dans cette ambiguïté.
Le compositeur demande au soliste soit d'improviser totalement (comme
Nick Mason, ancien batteur des Pink Floyd), soit d'interpréter
librement la partie écrite, et c'est sans doute Roswell Rudd qui
s'accommode le mieux de cette situation. Lorsque les solistes ne sont
pas habitués à l'improvisation - ce qui est le cas de Pedro
Carneiro et de Majella Stockhausen (fille de Karl-Heinz) - Mantler écrit
alors une improvisation simulée. Ainsi, dans le cas du Concerto
pour piano, il semble qu'il se soit inspiré de certains traits
de Cecil Taylor - d'un résultat étonnant si l'on écoute
la musique dans cette perspective. Parmi les réussites, il y a
la sublime pièce inaugurale du disque où le maestro en personne
donne une véritable leçon de musique (entre sa trompette
free, le déphasage rythmique peut-être issu de Ligeti, une
répétitivité descendante de Janacek
). Ou encore
celle écrite pour Bjarne Roupé (rappelez-vous : la guitare
saturée au début de "Aura" avec Miles). Certes,
il y a quelques longueurs (comme dans le concerto de Carneiro par exemple)
et ce n'est pas que du jazz ; mais on y respire des effluves souvent inédites
et, de nos jours, cela n'a pas de prix.
- Ludovic Florin
|
|