JAZZ MAGAZINE   février 1998

 


The School Of Understanding
(Ecm 1648/49)

Formellement, cette , "sorte d'opéra" , est construit à partir d'une cellule de base "Fa-Mi-Si-Ré", qu'on retrouve du début á la fin, modulée de diverses manières, parfois en Iégers glissandos. Au point de vue instrumental, orchestre à cordes et quatuor "classique" , servent également de base à l'ensemble : s'y ajoutent, au fil des numéros : claviers pour grossir le tout jusqu'à des sonorités d'orchestre plus amples, trompette (en de rares moments de méditation), diverses anches et flûtes, guitares (classiques ou amplifiées), batteries numériques, vibraphone. Le langage est assez éloigné du jazz, mais la manière de traiter les voix, et surtout le choix de leur "grain" portent la marque de la musique qui est célébrée dans ces colonnes; ce langage se rapproche en de certains moments de la musique contemporaine "répétitive" en d'autres il peut évoquer la manière d'écrire pour les cordes propre à Bartok et à tous ceux qui s'en sont inspirés depuis, y compris à Hollywood (musiques de film). Les interventions vocales de Jack Bruce et surtout de Robert Wyatt sont accompagnées de résurgences , "rock" bien amenées. Mantler a également écrit les textes de cette "Ecole de la compréhension". lls convergent vers la reprise, a la fin de l'œuvre, d'un poème de Samuel Beckett What Is The Word. La question posée (le thème musical est une question sans réponse) est celle du , "dernier mot", donc aussi de la dernière chose. Car le dernier mot (ou le premier) échappe, par construction, à l'histoire, donc la séparation du monde des choses et du monde des signifiants. Entre les deux, bruits et fureurs, qui parfois se nomment musique et émotion, dont le seul lien qui vaille, ou qui tienne, se dit aussi , "amour". En cette fin de siècle, un thème classique, fort bien traité, sans pathos excessif, mais sans rire non plus. L'auditeur y trouvera de quoi sustenter la pulsion d'écouter aux portes qui fonde son désir. Ceux qui ont aimé "Escalator" retrouveront (un peu) une manière qu'ils connaissent, ceux qui se régalent de sonorités "contemporaines/classiques" à la mode Ecm pourront également y trouver leur contentement. Nous avons aimé cette production, qui doit prendre un peu de chair à la représentation. Mais qui osera produire de nouveau pour la scène un objet musical si manifestement éloigné de la consommation courante ? Avis aux amateurs, s'il en reste encore qui n'ont pas dit leur dernier mot.

- Philippe Méziat

 
 
 

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